La Galaxie des Pierres Levées
AVANT-PROPOS
Depuis 2001, les Lapidiales ont investi l’ancienne carrière des Chabossières à Port d’Envaux pour sculpter la pierre à même les fronts de taille et créer une utopie réaliste fondée sur l’échange et le partage. Un lustre … et notre rêve prend forme ! Artistes et visiteurs s’y rencontrent. Les imaginaires s’y matérialisent. Au fil des ans, l’œuvre collective progresse.
En raison de la dimension modeste du site des Chabossières, l’ensemble de la carrière est sculptée et propose au public, par les thèmes déclinés et la diversité des formes, une évocation sensible de notre humanité en ce début de vingt et unième siècle.
Jusqu’à présent, la reconnaissance de notre aventure artistique a coïncidé avec la volonté du Conseil Départemental de mettre en valeur les patrimoines géologique et ethnologique de la Charente Maritime. La mise en place d’un « Pôle Pierre » entre Crazannes et Port d’Envaux concrétise aujourd’hui cette ambition. En lançant un pont reliant la tradition d’extraction et de travail de la pierre depuis l’antiquité romaine avec la sculpture contemporaine, le département souhaite renforcer l’identité du territoire, son originalité et offrir aux visiteurs une alternative à la fréquentation de la côte.
À partir de ce constat, l’idée a germé, au sein de l’association Les Lapidiales, d’étendre le «Pôle Pierre» à l’ensemble de la Charente Maritime en créant un évènement permanent qui n’ait pas d’équivalent ailleurs : à partir d’un champ de mégalithes dédié aux cultures des cinq continents, il s’agit de tracer des itinéraires de pierres levées réparties sur la totalité du département, incitant à une nouvelle approche de ses paysages.
Mettant à profit les compétences diverses réunies année après année autour des Lapidiales, nous avons élaboré cette extension de notre engagement artistique et culturel. Elle s’inscrit dans le droit fil de notre raison d’être : marier la sculpture sur pierre avec d’autres expressions artistiques et donner vie à la diversité des cultures de la planète en offrant au public la possibilité de participer effectivement à cette aventure.
À l’heure où l’UNESCO tente de sauvegarder l’exception culturelle en la sortant du champ des négociations de l’OMC, « La Galaxie des Pierres Levées » prétend mettre à disposition de chacun, le libre accès à la nécessaire connaissance de l’autre.
LA GALAXIE DES PIERRES LEVEES
Introduction
Ce projet appartient à deux univers : celui, d’une part, des artistes, qu’animent une recherche de formes et de sens ; celui, d’autres part, de tous ceux que mobilisent les enjeux du développement du territoire et, particulièrement, de tout ce que l’action culturelle peut apporter d’accomplissement personnel mais aussi de perspectives économiques à ceux qui l’habitent.Deux voix, deux langues, ici, se côtoient : celles des poètes, des sculpteurs, des praticiens du « land art », des inventeurs de récits et de formes, des « passeurs » de signes et de sens… Celles de tous ceux – politiques, administratifs, entrepreneurs, experts, … – qui ont à cœur et à charge que le territoire soit accueillant, prospère, fécond…
L’argumentaire qui suit parlera donc les deux langues. Il s’efforcera de montrer que l’ambition artistique et culturelle de ce projet enrichit de perspectives nouvelles et prometteuses le chantier permanent de l’aménagement et du développement du territoire.
De quoi s’agit-t-il ?
Il s’agit de lancer, pour une ou plusieurs décennies, un grand chantier-évènement qui mobilise, sur tout le territoire de la Charente Maritime, l’attention du public autochtone, des visiteurs et des médias locaux, nationaux et internationaux, autour d’une célébration créative de notre longue tradition d’extraction et de travail de la pierre.
La présence et l’exploitation, depuis l’antiquité, de gisements exceptionnels de pierre a, en effet, profondément marqué notre département : elles ont fait travailler de nombreux corps de métiers, façonné notre paysage naturel et bâti, animé notre économie et, notamment notre commerce, fécondé nos arts et nos traditions populaires…
La pierre peut ainsi devenir, au 21ème siècle, l’un des fils conducteurs les plus efficaces et les plus polyvalents de redécouverte de nos paysages, de notre patrimoine naturel, architectural et immatériel. Elle peut aussi, remise en scène en un projet créatif et étonnant par des professionnels confirmés, susciter de très nombreuses initiatives, tant dans le domaine de l’art et de la culture que dans celui du développement économique.
Le projet « La galaxie des pierres levées » tire les enseignements des premiers résultats obtenus par des initiatives comme les « Lapidiales » ou les prémisses du « Pôle pierre ». Ils ont permis de vérifier la pertinence d’une démarche qui a su, très rapidement et avec des moyens relativement modestes, marier la mise en valeur du patrimoine et la création contemporaine, s’enraciner localement et se faire connaître bien au-delà des frontières départementales ou régionales, conjuguer un recours constant aux professionnels et un soutien permanent aux amateurs.
Mais notre projet s’inspire aussi de l’expérience d’autres chantiers évènements qui, en France et dans le monde, ont su drainer l’intérêt d’un public très nombreux. Localement, nous songeons, bien entendu, à l’expérience de la reconstruction de l’Hermione, à Rochefort. Quel meilleur ambassadeur peut-on imaginer pour le Rochefortais et la Charente Maritime ? Quelle meilleure incitation à découvrir l’ensemble de l’extraordinaire patrimoine militaire de l’estuaire de la Charente ? Quel meilleur vecteur d’identité, de communication et de projets nouveaux ?
Le projet des « Pierres levées » s’inscrit donc dans cet esprit et dans cette perspective en mettant aussi l’accent, cette fois, sur la découverte de l’arrière pays.
Mais encore ?
Renouant avec la geste des anciens Celtes, notre initiative vise à développer un projet résolument moderne de valorisation du patrimoine local, d’ouverture à la diversité des cultures et de création artistique en revisitant la tradition des mégalithes, ces hautes pierres, porteuses de messages essentiels, qui jalonnaient autrefois le territoire.
Par l’ampleur de leur masse comme par le mystère de leur signification, les mégalithes conservent encore intacts leur puissance d’évocation de la capacité des hommes à conduire des entreprises extraordinaires. Ils portent aussi témoignage de représentations du monde essentielles (même si nous ne savons plus toujours, aujourd’hui, ce qu’elles étaient). Ils intriguent, enfin, ouvrant ainsi la porte à cette curiosité qui manque trop souvent dans le regard porté sur le territoire.
Ainsi, relancer en plein 21ème siècle, au cœur d’un monde gagné par le virtuel et en coopération avec lui, un grand chantier de mégalithes intégrant par les préoccupations de notre temps, c’est, au contraire d’un archaïsme, un paradoxe porteur d’une formidable énergie.
Concrètement ?
Chantier-évènement, cœur d’une animation permanente, point focal d’une mobilisation de l’intérêt du public et des médias, un champ de pierres levées (150 à 200 pièces, voire plus) constitué grâce au soutien des carriers de notre département, sera progressivement (et selon des règles très précises destinées à promouvoir l’harmonie et la pertinence de l’ensemble) proposé au burin des sculpteurs.
Situé au cœur du département, ce centre symbolique irriguera de proche en proche le territoire d’un jalonnement d’autres pierres levées porteuses de signes, invitant la population et les visiteurs à découvrir de multiples itinéraires, à apprécier nos paysages sous de nouveaux points de vue, à s’intéresser, aussi, à ce que les formes et les textes inscrits dans la pierre leur proposeront. Ainsi, chaque itinéraire sera aussi un récit qui renverra lui-même à de multiples activités rattachées à trois domaines d’intérêt :
La sculpture et la création artistique : motivés par cette présence de la sculpture sur le territoire mais aussi par la rencontre avec les sculpteurs qui travailleront en public et par la fréquentation des œuvres en train de se faire, les visiteurs, et notamment les jeunes, seront conviés à des journées de découverte du patrimoine géologique du département et de son patrimoine sculpté, à la rencontre avec la création contemporaine et à des formations et des expérimentation à l’occasion de nombreux ateliers.
Plus généralement, la création artistique, toutes disciplines confondues, sera au cœur du projet : autour de cette aventure des pierres levées, du choc visuel qu’elle provoque, des paysages qu’elle désigne, des circonstances qu’elle suscite, des imaginaires qu’elle inspire se tisseront des rencontres et des projets multiples où le dessin, la photographie, le cinéma, l’écriture, la musique, l’art du comédien, du danseur, du metteur en lumière… viendront concourir à la vitalité et à l’aura de l’entreprise.
Les cultures du monde : Sources de création, invitations aux paysages, les mégalithes du projet « La galaxie des pierres levées » ouvriront aussi sur le monde. S’enracinant symboliquement dans une très ancienne pratique de l’humanité, ils veulent, en un 21ème siècle menacé par l’hégémonie des systèmes, ramener à l’homme, au spécifiquement humain.
Comment mieux le faire qu’en évoquant ces multiples formes inscrites dans la pierre qui, partout dans le monde, témoignent de l’essentielle diversité, mais aussi de la mystérieuse parenté de nos cultures. Au temps de la globalisation et du « village planétaire », le combat pour l’homme est aussi un combat contre cette uniformisation qui réduit si souvent à des stéréotypes l’image des peuples et de leur culture.
Disposé en forme de spirale galactique autour d’une vaste agora circulaire, le champ de mégalithes du projet des « Pierre levées » fera donc place à diverses expressions des cinq continents. De la place centrale, délimitée par cinq « pierres mères » représentant chacune un continent terrestre, partiront des itinéraires dédiés aux cultures constitutives de l’identité des peuples qui composent ces continents.
Reprenant le principe des « proclamations » mis au point par l’Unesco pour la défense du patrimoine mondial oral et immatériel, les promoteurs du projet « Pierre levées » pourront, chaque année, choisir une ou plusieurs de ces cultures. Ils consacreront alors à chacune un ou plusieurs mégalithes rendus témoins des formes anciennes de ces cultures. Plus loin du centre, là où la spirale de mégalithes, mimant l’univers en expansion, figure l’époque actuelle, d’autres pierres seront confiées au burin de créateurs contemporains issus des pays concernés.
Ces pierres levées seront aussi la figure de proue d’une opération plus vaste d’exploration des cultures évoquées : un site Internet ainsi que les initiatives prises simultanément par les bibliothèques et les institutions culturelles associées au projet fourniront donc au public un accès plus large aux œuvres de ces cultures et à la documentation s’y rapportant.
De plus, des artistes interviendront dans les établissements scolaires sur une période de trois à quatre mois pour sensibiliser les enfants et les jeunes adolescents à ces cultures. Ce travail concernera les disciplines (théâtre, poésie, musique, peinture, sculptures, etc.) les plus représentatives des régions mises en exergue chaque année.
Ainsi le volet « champ de mégalithes » du projet « Pierres levées » proposera-t-il une inhabituelle invitation au voyage. Ne visant aucune exhaustivité mais procédant par programmes successifs, il conviera chaque année ses publics à de nouvelles découvertes.
Ce faisant il investira progressivement (mais jamais complètement) l’étrange cohorte des mégalithes vierges, mêlant peu à peu aux pierres en attente tout un univers d’identités plurielles appartement au patrimoine commun de l’humanité et leur prolongement naturel de formes contemporaines.
Le paysage : Au-delà du champ de mégalithes qui constitue le cœur géographique du projet, des pierres levées viendront progressivement s’implanter dans tout le département là où s’offrent des points de vues remarquables et, le plus souvent, peu connus sur les paysages et les sites.
La pierre levée, ici, sera d’abord un repère, un signe : Conçue pour s’intégrer heureusement au paysage, elle sera plus là pour l’indiquer, pour le souligner que pour monopoliser elle-même le champ visuel. Elle sera plus la « land mark » des paysagistes anglo-saxons ou l’intervention discrète mais profondément expressive des artistes du « land art » les plus respectueux du paysage que le monument ou la « fabrique » des paysages de l’époque « pittoresque ».
Elle est ainsi une vigie qui motive le déplacement du visiteur et attire son attention sur ce qui, dans ce site, visible ou invisible (un moment fort de son histoire, par exemple) est le plus remarquable. Elle n’a pas vocation, cependant, à être documentaire mais peut renvoyer, par un code gravé dans un cartouche de petite taille, à un site Internet d’où toute information devient accessible.
Bénéfices attendus
Ils s’expriment simultanément en termes de culture, d’aménagement et de développement du territoire.
Au plan culturel ce projet, partant de la sculpture, donne à la population locale le point de départ de multiples investigations : revisitant le modèle du jeu de piste, il invite à de multiples promenades pédestres, cyclistes ou automobiles. Il encourage ainsi une réappropriation des paysages et favorise un enchaînement de recherches documentaires.
Encourageant la fréquentation de nombreuses manifestations (expositions, lectures, concerts, entrepris dans le cadre d’une très large concertation avec les associations, les établissements d’enseignement et les institutions culturelles) il renforce le lien social dans le cadre d’un mouvement d’ouverture à la diversité des cultures comme à la création contemporaine…
C’est donc un projet culturel global qui, ici, se propose.
Au plan de l’aménagement et du développement du territoire, ce projet offre une diversification des itinéraires proposés au public et, notamment, aux touristes. Il s’associe ainsi aux efforts entrepris pour rééquilibrer la fréquentation du territoire en diversifiant son offre. Il revalorise en particulier l’arrière pays face à la concurrence, notamment estivale du littoral.
Gagnant ainsi en attractivité par cette nouvelle mise en lumière du patrimoine de paysages et de sites, notre département doit aussi bénéficier de la forte capacité médiatique du projet « Pierres levées » : fort de son originalité, spectaculaire et conduit par des professionnels exigeants quant à la qualité artistique des créations comme à celle de l’action culturelle mais aussi rompus au montage d’évènements d’audience nationale ou internationale, les « Pierres levées » viendront utilement relayer les quelques initiatives culturelles ou médiatiques phares qui contribuent au renom du département.
Premiers éléments de calendrier
Le projet des « Pierres levées » n’est pas une simple « installation » de quelques artistes venus de la sculpture ou du « land art » : il a l’ambition de conjuguer la mobilisation du meilleur niveau international de la sculpture et du « land art » avec l’élaboration d’un profond ancrage régional.
C’est donc, simultanément un projet hautement professionnel et profondément participatif.
A ce titre (et compte tenu aussi de l’importance des matériaux et des emplacements à mettre en œuvre), c’est un projet de longue haleine : après dix huit mois à deux ans d’étude, de concertation et de préfiguration, c’est donc sur l’ensemble de la durée du Contrat de plan qu’il faut envisager l’échelonnement de la mise en oeuvre et de la montée en puissance.
On peut ainsi, schématiquement, envisager le calendrier suivant :
2006-2007 : Études de définition et de faisabilité, concertations et premières préfigurations.
Dans ce cadre :
- Concertation avec les collectivités territoriales, les organisations professionnelles concernées, les associations et les institutions pédagogiques et culturelles.
• Rédaction d’une étude de définition et restitution auprès des partenaires concernés.
• Repérage des sites souhaitables et négociation avec les communes et intercommunalités concernées.
• Rédaction de l’étude de faisabilité comprenant notamment les différentes hypothèses de chiffrage des investissements et du fonctionnement et restitution auprès des partenaires concernés.
• Montage des dossiers d’investissement et de fonctionnement.
• Début des mises à disposition ou acquisitions des parcelles nécessaires à l’implantation physique du projet.
• Programmation prévisionnelle des trois premières années de fonctionnement (définition des types d’activités, repérage des cultures invitées, recherche documentaire et identification des artistes sollicités pour les résidences, mise au point des coopérations avec les organisations partenaires (professionnels de la pierre, établissements pédagogiques et culturels, administrations et collectivités territoriales, etc.).
• Mise au point de l’organisation et des critères d’évaluation.
• Organisation d’ateliers de préfiguration et, dans le cadre du premier site des Lapidiales, de premières réalisations en vue d’une installation ultérieure sur les sites propres du projet des « Pierres levées ».
2007-2012 : Mise en œuvre du projet :
Aménagement du site du champ de mégalithes, pose d’un premier ensemble de 150 pierres levées. (Ce chiffre pourra évidemment être révisé en fonction des possibilités matérielles et, notamment, de la mobilisation des entreprises d’extraction. Il reste toutefois souhaitable de pouvoir d’emblée créer le choc visuel qui rendra perceptible l’ampleur, dans l’espace et dans le temps, du chantier engagé et servira ainsi de support approprié aux opérations de communication).
Pose d’un premier semis de pierres levées (une cinquantaine si possible) réparties sur l’ensemble du département et préfigurant le réseau des pierres témoins du paysage. Gravure sur chacune d’entre elles des numéros d’identification et du cartouche renvoyant au site Internet (cf. ci-dessous).
Chaque année, choix des cultures retenues et des artistes invités l’année suivante. Elaboration, autour de ces choix des projets prévisionnels (sculpture de pierres levées, coopération avec les organismes associés : recherches et expositions documentaires, conférences, lectures, concerts, ateliers…) et négociations avec les pays ou les organismes internationaux concernés. Mise en œuvre avec deux temps forts : en période scolaire pour l’intervention des artistes dans les écoles et dans les mois d’été pour les principaux rendez-vous avec le grand public.
Cartographie, signalétique, documents de communication. Conception et lancement d’un site Internet permettant au public de participer pleinement aux évolutions du projet des « pierres levées » et d’avoir commodément accès à toutes les richesses documentaires sur les sites désignés par les pierres levées réparties sur le territoire, sur les cultures représentées dans le champ central de mégalithes, sur les artistes associés dans le cadre de la programmation, sur les créations en cours…
Denis Raison